Hypatia, au travers de la littérature

4- Vue par le XXe

A- Mario Luzi

Au début du Ve siècle, tandis que l’Empire romain se désagrège dans la ville d’Alexandrie, Hypatie, figure de proue de la philosophe néoplatonicienne, voudrait sauver l’héritage grec miné par des tentations fanatiques. Le Christianisme, devenu religion de l’État, est confronté à une violence populaire qui se réclame de lui. Hypatie sera mise à mort dans une église. Devenu évêque de Cyrène, sur l’actuelle côte libyenne,  son disciple Synésios apprend que le roi berbère, dont les cavaliers menacent la ville, lui a envoyé un émissaire qui jamais n’arrivera.

Ainsi dans « Hypatie », puis « Le Messager » - les deux volets de ce diptyque par lequel Mario Luzi aborda l’écriture théâtrale – le futur se présente sous l’aspect du plus grand risque, encore privé de visage.

Le rôle obscur de la barbarie dans le renouveau des civilisations, la nécessité, pour demeurer fidèle, de grandir contre soi-même, la fascination des époques où le monde hésite entre deux ères ou deux règnes et se trouve reconduit à son magma primordial, nouent ce drame à l’énigme de l’histoire telle que nous pouvons la percevoir aujourd’hui. Comme dans ses recueils poétiques majeurs, Mario Luzi crée un théâtre mental et polyphonique, un contrepoint de pensées et de rythmes où le concept n’endigue pas la poésie mais l’avive. Jusque dans leur déchirement, les questions aspirent à la transparence.

B- Zitelmann

Zitelmann prend fait et cause pour Hypatie. Comme aucun de ses écrits ne nous est parvenu et que tout ce que l’on sait d’elle sont des « on dit », Zitelmann la met en scène au travers de l’existence de son héros Thonis (peut-être la personnification d’Arnulf Zitelmann). Ainsi il ne s’avance pas à la créer selon lui mais essaye de respecter ce qui est dit d’elle (par exemple l’épisode de sa mort qui n’est conté au lecteur que par un tierce personnage). Elle est peu fréquente dans le texte : elle intervient au travers de Thonis qui pousse sa réflexion en se questionnant sur les événements divers qui se succèdent à un rythme endiablé.

Mais c’est dans la postface que Zitelmann nous dévoile clairement son opinion : admiration et recherche de la connaissance. Il la vénère pour sa volonté déterminante dans une cause perdue d’avance (épisode de Platonopolis), et pour le fait de sa condition. Oui elle était femme dans un monde patriarcal, jamais elle n’en a fait état, et ainsi il semble demander une reconnaissance historique. « Hypatia, fille de Théon, fut la première victime de cette misogynie (chrétienne) qui aboutit, des siècles plus tard, aux sanglantes chasses aux sorcières. Hypatia est la représentante de milliers de femmes anonymes. C’est pourquoi son nom ne doit pas être effacé de l’Histoire ».

Arnulf Zitelmann, auteur du roman Hypatia, la présente comme une victime d’un extrémisme religieux. Il voue une admiration sans borne à cette philosophe, et développe dans sa post face un discours visant à la faire reconnaître par l’Histoire. Plus encore que ses actions c’est sa condition qu’il privilégie, cette femme a su faire face à un monde sous domination patriarcale et qu’a-t-elle récolté ? Rien, ou plutôt si l’oubli.

Aux XXe et XXIe siècles

Le personnage historique se dévoile, prédominant ainsi sur la romance… sans toutefois rien enlever du mythe, du symbolisme d’Hypatie.

A – Les féministes

Au XXe siècle, l’histoire d’Hypatie est considérée par les féministes comme un acte misogyne. En effet Hypatie, qui conseilla des gouverneurs et enseigna à des futurs évêques, fut réduite au silence car c’était une femme. Pour les étudiants de l'Histoire de la femme, cela marque le début de la dégradation de la femme dans la société chrétienne.

Certains journaux féministes prirent même l’appellation d’Hypatia.

B– Maria Dzielska

Au XXIe siècle, Maria Dzielska publie un livre sur Hypatie, où elle tente de rétablir la vérité historique. En effet alors que tous firent le portrait d’une belle femme, attractive jusqu’à la fin, elle mourut vraisemblablement âgée de quarante-cinq ans, ou même de soixante ans.

Elle constate d’une part qu’Hypatie n’aurait pas eu de sentiments particuliers pour aucune religion païenne, et que le polythéisme grec était pour elle « le seul bel ornement envers la tradition hellénistique spirituelle qu’elle estimait et cultivait ». Mais elle démystifie surtout la mort d’Hypatie, qui ne fut vraisemblablement pas tuée parce qu’elle s’opposait au Christianisme, mais parce qu’elle fut accusée à tort de faire de la sorcellerie.



Comme l’étude sur sainte Catherine, martyre chrétienne du début du IVe siècle surnommée également « la vierge d’Alexandrie », celle d’Hypatie pose un problème qu’on peut considérer sous deux aspects : d’une part le martyre du personnage historique, dont découle d’autre part le mythe avec les attributs symboliques. L’un et l’autre ont une réalité historique : le premier repose sur les témoignages de ses contemporains comme Synésios de Cyrène, le second est dû à l’imagination créatrice des écrivains et des artistes.

Bien qu’apparemment l’on dispose désormais de preuves historiques que Sainte Catherine a bien existé, on ne peut nier l’étrange, la troublante ressemblance qui unit ce personnage et celui d’Hypatie. Certains même estimèrent que le mythe d’Hypatie fut repris par les chrétiens, sous le nom de sainte Catherine.

Mais cela montre bien, une fois de plus, que plus que pour le personnage historique qu’elle a été, Hypatie est admirée pour sa dévotion, pour ce qu’elle représente… Bien plus qu’un personnage, elle symbolise l’ensemble des martyrs anonymes, comme le Soldat Inconnu…

 

La maison grecque | Alimentation | La médecine grecque | L'éducation | Les vases & leurs fonctions | La femme | Démocratie | Schéma: organisation de la cité | La monnaie | Le commerce & les colonies | Le théâtre | Les Jeux Olympiques | Socrate | Alexandre le Grand | Lysias | Les dieux grecs | Delphes | Les temples | Les troupes | La guerre de Troie | La Crète | Sparte | Mycènes | L'Acropole | Chypre | Art | Hypatia | Alexandrie | Le Christianisme | Glossaire | Chronologie | Liens | Accueil

© 2005 - Tous droits réservés
Si vous souhaitez reproduire partiellement ce site, merci de mentionner ce site en source :)